VASSIGH
Chidan
N°
étudiant : 15603939
Philosophie
Paris 8 en Master 1
Email:
cvassigh@wanadoo.fr
Site Web: www.chidan-vassigh.com
Janvier 2017
La
validation du cours :
La
« pensée 68 », le capitalisme et sa critique
Pr.
Maurizio LAZZARATO
Le « Moment 68 » et ses ruptures
Par « Moment 68 », j’entends une période
évènementielle particulière qui ne se confine pas au mouvement de Mai 68
en France et à d’autres mouvements radicaux autour de cette date en Europe (Allemagne,
Italie etc.) et dans le monde : Révolution culturelle chinoise,
luttes anti-impérialistes en Amérique latine, Vietnam, Palestine etc. Il s’agit,
dans notre analyse, d’un moment de ruptures philosophico-théorico-pratiques,
qui a pour origine le mouvement de Mai 1968 avec ses prémisses qui apparaissent
dans les années 60 et ses implications qui s’étendent sur une décennie :
les années 1970 un peu partout dans le monde.
Ce Moment a d’importants effets sur la philosophie
contemporaine, française en particulier, sur la pensée politique
révolutionnaire, marxiste principalement, et sur les pratiques de
transformation sociale, contre le capitalisme et la domination en général. On
peut le définir comme moment historique des ruptures théoriques et pratiques,
qui va clore l’ancienne séquence historique ouverte avec la révolution d’octobre
1917 en passant par la seconde guerre mondiale jusqu’à la nouvelle séquence historique
qui va s’ouvrir dans les années 80. Celles-ci ouvrent une nouvelle époque marquée
par l’effondrement du « socialisme réel » ; le déclin du
marxisme classique et des ses partis traditionnels ; l’impasse des
mouvements anti-impérialistes et tiers-mondistes ; la montée des nouveaux
mouvements sociaux - féministes, écologistes, égalitaristes etc. - dont la
classe ouvrière n’y jouera plus, comme dans la séquence précédente, le rôle déterminant
du « sujet historique » ; les transformations du capital et du travail;
la mondialisation capitaliste ; l’éveil des nationalismes, intégrismes
religieux et populismes… Tout cela, dans une situation de crise permanente, de
guerres locales et régionales.
Quelles
sont ces ruptures dont le « Moment 68 » est porteur ? Nous
en dénombrons particulièrement sept, que nous allons survoler dans leurs
rapports respectifs :
1. Luttes de classe ouvrières / Luttes sociales.
2. Parti-avant-garde / Organisation-Mouvement.
3. Socialisme / capitalisme.
4. Lutte anticapitaliste / Lutte anticolonialiste.
5. L’impouvoir / Prise de pouvoir.
6. Statolâtrie / Autogestion.
7.
Le Grand Soir / Ici et
maintenant.
En examinant ces ruptures, nous
allons porter, en même temps, un regard critique sur les limites, les illusions
et les impasses de certaines théories : l’ouvriérisme, le féminisme, le tiers-mondisme,
l’anti-impérialisme, l’anti-colonialisme, qui semblaient proposer à l’époque
des alternatives à un marxisme classique périmé.
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Le « Moment
68 » ne peut pas être appréhendé en dehors et indépendamment du contexte
politique historique d’une décennie exceptionnelle, allant de 68 à la fin des
années 70, qui fut jalonnée par de grands événements dans le monde d’une
manière générale et d’une façon particulière en France où le surgissement de
Mai 68 produit des ruptures déterminantes.
Revisitons donc en un télégramme de neuf points, et autant
que faire se peut dans un ordre chronologique, ces bouleversements hors du
commun par leur densité, envergure et effet, qui ont ébranlé le monde et marqué
profondément la vie intellectuelle et la pratique politique en un assez court laps
de temps.
1- Le « Moment 68 »,
c’est d’abord la fin de la guerre d’Algérie et la bataille d’Alger (fabuleusement
relatée par Gillo Pontecorvo dans son film La battaglia
di Algeri) ; les accords d’Évian signés en 1962 et la déclaration de
l'indépendance qui s’en suit. C’est la fin d’une « sale guerre » avec
ses méthodes coloniales – racisme, tortures, répression, représailles, guerre
etc. - contre la volonté d’un peuple qui se soulève pour sa dignité et aspire à
son indépendance et à sa libération nationale du joug du pouvoir colonial
français. C’est aussi l’indignation des intellectuels et progressistes à
travers le monde contre un gouvernement français qui se dit socialiste (Guy
Mollet est au pouvoir) et qui a mené et poursuivi une politique colonialiste en
commettant des exactions contre la population algérienne.
2- Le « Moment
68 », c’est ensuite la révolution cubaine, « Cuba Si » (film
de Chris Marker) et « Commandante Che Guevara » (chanson). Une
guérilla victorieuse Dans une petite île située au cœur de la chasse gardée de l’impérialisme
yankee. C’est le Mouvement du 26 juillet dirigé par Fidel Castro et Che Guevara,
qui se déclenche en 1953 dans la Sierra Maestra et conduit,
six ans après, à la prise du pouvoir et puis, au milieu des années 1960, à
l’établissement d’un régime dit « socialiste » à Cuba. C’est aussi la
crise des missiles en 1962, opposant les deux superpuissances de l’époque en
les amenant jusqu’au bord de la guerre mondiale nucléaire. Mais c’est aussi et
surtout la solidarité internationale que cette révolution, malgré ses
ambigüités et son prosoviétisme, suscite à l’époque à travers le monde et
particulièrement chez les étudiants et intellectuels en Europe, en Amérique
latine et dans les pays africains et asiatiques.
3- Le « Moment
68 », c’est aussi le grand schisme sino-soviétique entre ces deux « grands
frères » soi-disant communistes, qui entraînent la dislocation du
« camp socialiste » au milieu des années soixante. Dès 1964, Mao
Tsé-toung défend la thèse de la restauration du capitalisme et le retour
des capitalistes (les nouveaux tsars) en Union soviétique. Le « social-impérialisme »,
terminologie maoïste à cette époque, et l’impérialisme américain constituent
désormais, à ses yeux, les deux superpuissances hégémoniques qui s’entendent et
se rivalisent à la fois pour la suprématie mondiale. En Europe de l’Ouest, où les
partis communistes prosoviétiques (PCF, PCI, PCE) sont puissants et qui ont pu
attirer vers eux le plus grand nombre d’intellectuels, la rupture
idéologico-politique au sein du mouvement communiste international produit
rapidement ses effets. Des partis marxistes-léninistes (maoïstes) se créent et
se dressent désormais contre le révisionnisme de l’URSS et des partis plus ou
moins inféodés à celle-ci. (L’auteur
de ces lignes est lui-même membre de l’une de ces organisations : La
Gauche Prolétarienne). La
politique internationale radicale prônée par la Chine populaire, s’opposant
ouvertement à la coexistence pacifique exaltée par l’Union soviétique
dans sa rivalité/collaboration avec l’USA, fascine un grand nombre d’étudiants
et intellectuels du monde entier de cette époque.
4- Le « Moment
68 », c’est par ailleurs l’agression américaine au Vietnam, Yankee go
home, Front de Libération
Nationale et lutte armée des vietnamiens contre l’agression US. C’est le
combat de David (Vietcong) contre Goliath (Oncle Sam). C’est, en 1965, les
raids aériens des B-52, ordonnés par le président des États-Unis, Lyndon B.
Johnson, déversant leurs bombes au napalm sur la population du Nord
Vietnam et puis du Sud. C’est aussi, dans la même année, l’engagement des États-Unis
dans la bataille terrestre au Sud-Vietnam avec ses villages rasés, brulés,
dévastés, dépeuplés. C’est aussi en France, Le Comité Vietnam National constitué
en 1966 pour protester contre l'agression américaine
au Vietnam et présidé par le mathématicien Laurent Schwartz
et des intellectuels comme l'historien Pierre Vidal-Naquet (militant contre la torture pendant la guerre d'Algérie), Jean-Paul Sartre ou
le philosophe Vladimir Jankélévitch, le physicien Alfred Kastler
etc. Le Comité Vietnam bénéficiait de l'appui de la revue Temps Modernes et publiait un journal.
Beaucoup de lycéens, étudiants, universitaires et intellectuels progressistes
(dont l’auteur de ces lignes) vont militer et se former politiquement et
intellectuellement à l’école du Comité Vietnam à cette époque. Ce comité
organisait des manifestations dont la plus célèbre, les Six heures de la
Mutualité, le 25 mai 1966, rassemble L. Schwartz, J.-P. Sartre et
V. Jankélévitch devant un parterre de plusieurs milliers de personnes.
5- Le « Moment
68 », c’est aussi la Palestine, la guerre israélo-arabe et le septembre
noir (la boucherie du Roi Hussein de Jordanie contre les fédayins palestiniens
installés dans ce pays en 1970). La
Guerre
des six jours éclate en 1967 et oppose Israël à
l'Égypte,
la Jordanie et
la Syrie.
Les armées des pays arabes sont rapidement défaites. En moins d'une semaine, l’État
d’Israël triple son emprise territoriale : l'Égypte perd la bande de Gaza et
la péninsule du Sinaï,
la Syrie est amputée du plateau du
Golan et la Jordanie de la Cisjordanie et
de Jérusalem-Est. La grande victime de ce conflit
majeur de l’après seconde guerre mondiale est le peuple palestinien chassé de
sa terre et les pacifistes progressistes israéliens. La fin des années 1960,
c’est aussi, en France, la création des Comités Palestine, composés de
militants arabes et français d’obédience plutôt maoïste. Les activistes de ces
collectifs de soutien à la résistance palestinienne se distinguent par
leur plus grande sensibilité à la condition des travailleurs immigrés en
France. Ils ne sont pas exclusivement consacrés à la cause palestinienne, mais
constituent un véritable laboratoire politique où fusionnent les luttes de
soutien au peuple palestinien, contre les crimes racistes, pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs
immigrés
en France.
6- Le « Moment
68 », c’est ensuite la Conférence
Tricontinentale, « 1, 2, 3, plusieurs Vietnam » et Che en
Bolivie. La Conférence
de Solidarité avec les Peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine, a lieu en
1966 à la Havane. Elle est en quelque sorte un remake, mais beaucoup plus
radical, d’une autre conférence organisée dix ans plus tôt, en 1955, à Bandung
en Indonésie, réunissant pour la première fois les représentants des pays du
Tiers-monde dont Nasser, Nehru, Soekarno
et Zhou Enlai
et qui marqua l'entrée sur la scène internationale de ces pays prônant le
non-alignement sur les deux blocs. Mais Dans la Tricontinentale,
c’est de la lutte anti-impérialiste qu’il s’agit. Che Guevara y prononce
son fameux discours : « Si deux, trois, plusieurs Vietnam
fleurissaient sur la surface du globe... ». Après la conférence, il gagne le maquis en Bolivie pour
mener une guérilla de libération du continent sud-américain. Pendant onze mois,
son groupe armé va conduire jusqu’à la mort un combat difficile voire
impossible dans de rudes conditions de survie. Cette « épopée »,
inédite et extraordinaire dans son genre, attire la sympathie et la solidarité
des intellectuels engagés. Régis Debray, agrégé de philosophie en 1965, part la
même année à Cuba
pour rejoindre le Commandante en Bolivie.
Il écrit en 1967 Révolution dans la révolution où il développe, en
réfutation des théories marxistes et léninistes classiques sur la révolution,
la théorie du foquisme :
multiplication de foyers de lutte partout dans le monde et lutte armée des
groupes de guérilla comme moteur de la révolution. Les révolutions du
type français, russe et chinois, sont inopérantes et caduques dans la nouvelle
situation du monde : il faut révolutionner la révolution par la pratique
de la lutte armée.
7- Le « Moment
68 », c’est indéniablement la Révolution culturelle prolétarienne
chinoise à son apogée, qui représente
l'un des événements majeurs de l'histoire de la Chine nouvelle
et dont le retentissement international est considérable. En 1966, Mao lance
cette « révolution » en s'appuyant sur la jeunesse pour empêcher, à
ses yeux, le retour du capitalisme dans un pays socialiste dirigé par un parti
communiste. C’est la campagne des Dazibaos et la maxime : « Feu
sur le quartier général de la bourgeoisie représenté par le parti au
pouvoir ». L’ennemi à abattre devient donc les « nouveaux capitalistes »
représentés par la bureaucratie
et les dirigeants révisionnistes au sein du parti qui suivent la voie de la
restauration. Les gardes rouges, composés surtout d’étudiants
et de jeunes ouvriers, constituent, en remettant en cause toute hiérarchie
notamment celle du parti, le bras actif d’une révolution qui va avoir une issue
terrifiante. Dans le monde, la révolution culturelle (R.C.) a un impact
important : formation des groupes maoïstes et radicalisation d’une partie
de la jeunesse étudiante et des intellectuels s’opposant désormais au système
de pensée et de pratique hégémonique des Partis communistes prosoviétiques. En
France, Louis Althusser, bien que membre et théoricien persévérant du PCF à
cette époque, n’a pas été insensible à la nouvelle théorie prônée par la R.C.
Dans un article anonyme écrit par lui pour une revue marxiste-léniniste, il
souligne : « Les grandes leçons de la R.C. dépassent et la Chine
et les autres pays socialistes... Elles intéressent tout le mouvement
communiste international... Il ne s’agit pas d’exporter la R.C. Elle appartient
à la Révolution chinoise... Mais ses leçons théoriques et politiques
appartiennent à tous les communistes. Ces leçons, les communistes doivent les
emprunter à la R.C., et en faire leur bien. »1
8- Le « Moment 68 », c’est
aussi l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’armée soviétique le 21 août 1968.
C’est le Printemps de Prague (désignation saisonnière qui
passe à la postérité !). Une période nouvelle de l’histoire de la tchécoslovaque commence
lorsque le parti communiste de ce
pays introduit le « socialisme à visage humain » et veut
mettre fin au système du parti unique. Elle débute le 5 janvier 1968, avec l'arrivée au
pouvoir des réformateurs et s’achève sept mois plus tard avec l’entrée des
chars du Pacte de Varsovie à Prague. L’occupation armée
d’un pays « socialiste » par son grand frère
« socialiste » est le signe du début de la fin du bloc de l’Est. C’est
en effet dès 1968 que commence la fin inéluctable d’un système totalitaire qui prend
naissance à la suite de la Révolution
d’Octobre en 1917 jusqu’à son effondrement dans les années 1985-1989.
9- Le « Moment 68 », c’est
enfin et bien sûr, particulièrement en France, Mai 68 est ses
manifestations d’étudiants et de lycéens, sa nuit des barricades, ses
occupations, ses grèves… et La Chinoise de Godard, le film culte
annonciateur. Mai 68 est une courte période durant laquelle s'est déroulée
une série d'événements constitués de grèves générales et d’occupations
d’universités, de lycées, d’usines, de bureaux et d’autres établissements
publics et privés, ainsi que de manifestations entre mai et juin 1968 (l’auteur de ces lignes, en classe
terminale, occupe avec les autres camarades le lycée Jean-Baptiste Say à
Paris).
Ces événements constituent l'une des ruptures marquantes de l'histoire
contemporaine française, caractérisés par une vaste révolte spontanée antiautoritaire,
de nature à la fois culturelle, sociale et politique, dirigée contre la société traditionnelle, le capitalisme,
l'impérialisme et,
plus immédiatement, contre le pouvoir personnel gaulliste
en place. Enclenchée par une révolte de la jeunesse étudiante parisienne, puis
gagnant le monde ouvrier et, plus particulièrement la jeunesse ouvrière non
encadrée par le syndicalisme traditionnel lié aux Partis classiques, Mai 68
reste le plus important mouvement
social de l'histoire de France du XXe siècle jusqu’à
aujourd’hui.
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C’est
donc, comme on l’a souligné, dans le contexte et les conditions de possibilité
créés par les principaux événements précités, dont plusieurs ont un sens
universel, que l’on peut appréhender, identifier, déterminer, analyser voire
conceptualiser la question des ruptures du « Moment 68 »,
principalement en rapport avec les dogmes et certitudes de la pensée politique
et du marxisme, qui vont être mis en question sinon balayés.
Nous avons décelé sept ruptures de caractère philosophique,
politique et pratique, que nous allons nous y pencher dans le cadre de cette
contribution.
1- Luttes
de classe ouvrières / Luttes sociales.
Il
s’agit de la fin de la centralité de la classe ouvrière et de ses luttes de
classe en faveur des nouvelles luttes sociales : luttes des femmes,
jeunes, étudiants, homosexuels, émigrés, étrangers, minorités nationales et
ethniques etc.
Le
« Moment 68 » pose solidement les jalons essentiels d’une rupture,
disons plutôt d’une sortie de la théorie classique qui totalise (pour utiliser
un jargon deleuzien) et absolutise la lutte de la classe ouvrière contre le
capitalisme, en accordant un rôle messianique à celle-ci dans le processus de
l’émancipation humaine.
Le
Mai 68 en France naît à l’université et s’achève à l’université. Il commence à
l’université de Nanterre avec l’intervention des CRS et se termine en vérité
avec la fin de l’occupation d’une autre université, la Sorbonne. Certes les
ouvriers, comme ceux de Billancourt, ont entré en lutte revendicative
(principalement) après le déclanchement du mouvement par les étudiants. Certes
les occupations d’usine, plus ou moins encadrées par les machines syndicales
(CGT, FO), ont été déterminantes dans le recul du gouvernement Pompidou et
l’ouverture des négociations triparties de Grenelle : patronat,
gouvernement et syndicats. Mais il ne faut pas aller chercher les
caractéristiques anti-systématiques de Mai 68 dans la classe ouvrière, elles se
trouvent ailleurs dans la société : chez les étudiants, les femmes, les
jeunes (comprenant des jeunes ouvriers).
La
spécificité de Mai 68, comme moment de rupture au niveau de la sociologie et
des objectifs des luttes anti-capitalistes, réside dans ce que différentes
couches sociales autres que les ouvriers industriels (le prolétariat) vont de
plus en plus jouer un rôle de premier plan voire même plus important que ces
derniers dans la mise en question radicale des rapports de pouvoir, d’inégalités,
de discriminations, de représentation, de domination, d’exploitation et
d’aliénation. Rapports qui sont plus ou moins inhérents au système capitaliste,
à la démocratie représentative, aux institutions et à l’État séparés de la
société. Il s’agit des rapports : dans le travail à l’usine entre
ouvriers/contremaîtres/direction, mettant en cause le salariat même; dans
l’administration avec la bureaucratie et l’État, mettant en causse les
institutions séparées de la société dont l’État même ; dans la production
et la consommation, mettant en cause le productivisme, dans la famille, mettant
en question les relations parents/enfants, dans la société, mettant en cause
les relations d’inégalités homme/femme, dans l’enseignement mettant en question
le rôle des institutions d’enseignement au service du capital et du pouvoir,
les rapports maîtres/élèves ; dans la culture etc.
Dans
ce moment de rupture, Moment 68, principalement deux mouvements de
pensée marxistes ont raté le coche : le scientisme althussérien et le
marxisme ouvriériste. Le premier était aux abonnés absents pendant la révolte
de Mai 68. Empêtré dans ce qu’il appelait « science marxiste », il
cherchait, à la lumière de cette « science »( !), la « révolution »
ailleurs que là où elle se manifestait hic et nunc devant ses yeux. Le
second, par contre, connaît son apogée en Italie, lors de « l’automne
chaud » de 1969. Mais il rate aussi le Moment 68 en ce sens qu’il se
trompé de l’époque. C’est justement sur ce second courant de pensée et de
pratique que l’on va s’attarder un peu, étant donné qu’il a été étudié dans notre
cours à Paris 8 sur La « pensée 68 », le capitalisme et sa
critique.
Le
plus important des courants marxistes ouvriéristes des années 60-70 est l’opéraïsme
italien, représenté entre autres par Mario Tronti, celui qui a théorisé les
idées de son groupe dans un livre publié en 1966 : Ouvriers et Capital.
Pour les opéraïstes, du moins dans ce livre de Tronti,
l’auto-émancipation de la classe ouvrière, idée centrale du marxisme, permet
seule d’en finir avec le capitalisme, et donc avec l’exploitation des
ouvriers qui embrassent désormais, selon eux, toute la société : société
devenue usine, l’usine englobant la société. On peut imaginer que leurs
analyses s’appuient sur le « miracle économique » que connaît alors
l’Italie : plein emploi avenir « radieux » d’une société
transformée totalement et complètement en fabrique ouvrière. Thèse qui va être
battue en brèche dès les années 1970 avec la crise pétrolière, la
mondialisation capitaliste, la crise du travail, le chômage de masses, les délocalisations, et le déclin du
capitalisme national etc.
Tronti :
L’usine-la
société-l’État, tel est le point focal où convergent
aujourd’hui la théorie scientifique, la pratique subversive, l’analyse du
capitalisme et la révolution ouvrière. Le « concept
scientifique » d’usine est aujourd’hui celui qui ouvre la voie à la
compréhension la plus complète du présent, et en même temps à sa plus
complète destruction. C’est précisément en vertu de cela qu’il apparaît
désormais comme le point de départ, pour la construction du nouvel édifice
qu’il devra repartir de l’usine, si l’on veut que la croissance de l’État
ouvrier se fasse entièrement de l’intérieur du nouveau rapport de
production de la société socialiste. 2
(Mots soulignés
par nous)
Par ailleurs, la théorie ouvriériste met en
cause les syndicats et les partis traditionnels, non pour proposer un type
d’organisation essentiellement différent (on verra cette thématique dans la
rubrique suivante) mais, comme on peut lire dans Ouvriers et Capital,
pour projeter une instance léniniste capable de maîtriser le monde de
la tactique, comme le parti de Lénine en 1917, et de mener les ouvriers au
bon port.
Tronti :
Le
groupe dirigent du parti dans son ensemble doit savoir exprimer en lui-même
cette unité synthétique de la science ouvrière. Il ne peut la réclamer à
personne d’autre, il doit la tenir tout entière de lui-même. La fonction de
l’intellectuel de parti est définitivement terminée. [Notre commentaire : exit Althusser].
Un
rapport correct entre classe et parti, cela suppose précisément cette capacité
pratique de prévoir, de diriger les mouvements de classe dans les
situations historiquement déterminées : non seulement connaître les lois
de l’action, mais pouvoir concrètement agir parce que l’on possède à
fond ce que l’on peut bien appeler la théorie et la pratique des lois de la
tactique. En ce sens le parti n’est pas seulement le véhicule scientifique
de la stratégie, il est également l’organisation pratique de son application
tactique.
La
grande instance léniniste du parti marque, du côté ouvrier, la conquête
historique du monde de la tactique ; ce n’est pas un hasard si son nom est
lié pour la première fois à une expérience révolutionnaire historiquement concrète. 3
(Mots soulignés
par nous)
Réduire
l’exploitation capitaliste au processus du travail à l’usine, identifier la
société à la l’usine, c’est la simplification que les féministes vont critiquer
chez les marxistes classiques. Le Moment 68 est aussi l’avènement des
mouvements de femmes, qui, comme on verra à l’instar les luttes
anti-colonialistes, ne résultent pas du conflit travail/capital dans le procès
de production capitaliste à l’usine, mais découlent d’autres contradictions
relatives aux libertés des femmes (en particulier la liberté d’appropriation de
leur corps), à l’égalité homme/femme et à la reproduction de la force du
travail par le travail non payé des femmes. C’est sur ce dernier point que des
féministes marxistes, comme Silvia Federici, en rupture avec un certain
marxisme masculin fondé principalement sur l’exploitation du
travail des hommes à l’usine, ont produit des théories pertinentes sur les
rapports de domination au sein de la société capitaliste à travers la division
sexuelle du travail (travail rémunéré à l’usine/travail non rémunéré à la
maison), qui se traduit par l’exploitation du travail ménager domestique,
reproduisant de la force de travail nécessaire à la pérennité du capital .
Federici :
Le
travail domestique est le principal facteur de l’exploitation des femmes en
système capitaliste… Le mouvement anticolonialiste nous a appris à prolonger
l’analyse marxienne du travail non rémunéré au-delà des limites de l’usine, et
ainsi à comprendre que le foyer et le travail qu’il réclame ne sont en rien
étrangers au travail à l’usine.
Les
protagonistes de la lutte des classes ne se recrutent pas seulement parmi les
salariés masculins du prolétariat industriel, mais aussi et surtout parmi les
esclavagisés, les colonisés, les masses de travailleurs non payés marginalisés,
auxquels il convient désormais d’ajouter la ménagère prolétaire, autrement dit le
sujet du (re)production de la force de travail.
La
campagne pour le salaire ménager a démarré à l’été 1972 à Padoue avec la
formation du Collectif féministe international. Son but était :
obliger les gouvernements à reconnaître le travail domestique comme
« travail » : c’est-à-dire activité qui doit être rémunérée.
Le
capitalisme table sur le travail reproductif non rémunéré pour contenir le coût
de la force du travail. 4
De
telle problématique, prisonnière, malgré tout, d’une certaine idéologie
marxisante qui sacralise le « travail salarié » comme chemin d’accès
à l’émancipation, est aujourd’hui caduque. Federici en convient elle-même dans
son livre Point zéro- propagation de la révolution.
Federici :
Une
telle problématique est aujourd’hui dépassée. Depuis maintenant quarante ans
que les femmes travaillent à plein temps à l’extérieur [évidemment il faut
ajouter à salaire inégal par rapport aux hommes] et on ne peut plus soutenir,
comme le faisaient les féministes dans les années 70, que le salariat mène à la
libération.
Nous
soutenons depuis des années que l’autonomie féministe ne se résume pas à
l’indépendance vis-à-vis des hommes mais concerne aussi, surtout l’indépendance
vis-à-vis du capital et de l’État.
Obliger
l’État à verser un « salaire social » ou un « revenu
garanti » destiné à assurer notre reproduction reste de toute façon un
objectif politique majeur… [Cela, dans] un monde où l’emploi est de plus en
plus précaire, où les revenus font l’objet de manipulations constantes, où la flexibilité
et la gentrification et les migrations ont détruit les formes de
sociabilité de la vie prolétaire. 5
2- Parti-avant-garde /
Organisation-Mouvement.
Le « Moment 68 » va inaugurer
une nouvelle conception de s’organiser, d’être ensemble, dans les luttes
sociales, en rupture avec la structure hiérarchique léniniste :
Parti-syndicat-luttes de classe. C’est, en fait, la fin de l’idéologie avant-gardiste
du Parti de classe, détenteur de « conscience » de classe, qui a pour
mission d’« importer la science » à « l’intérieur de la
classe ». C’est aussi la fin d’un certain syndicalisme bureaucratique
inféodé aux partis dans ces années là. Bref, en un mot, c’est la fin de
l’organisation du type vertical, de la direction des masses et des luttes par
le « sujet conscient », le Parti, les intellectuels etc.
On
va assister de plus en plus, et ça commence à vrai dire avec Mai 68, au
développement des mouvements organisés horizontalement, latéralement et en
réseaux. Mouvements qui s’appuient sur les assemblées générales, la démocratie
directe, la participation de tous, de la multitude, dans toute décision, sans
représentations ni délégations. S’organiser dans l’autonomie et l’indépendance des
pouvoirs et des partis, contre l’autoritarisme et la hiérarchie, constitue la
nouvelle aspiration des participants aux
luttes sociales.
En
1972, Foucault et Deleuze soulignent, à travers un dialogue commun, cette rupture avec les pratiques
avant-gardistes où le sujet révolutionnaire, représentant et représentatif,
joue le rôle de l’élément conscient totalisateur (en l’occurrence il
s’agit ici de l’intellectuel). C’est ce qui a cessé d’être vrai, disent-ils, car
la totalisation est le rôle du pouvoir et de la réaction et pas du mouvement
à multiples foyers, qui, lui, ne vise pas à aménager le pouvoir mais
à le combattre partout et dans son sein aussi.
Deleuze :
Pour nous l’intellectuel théoricien a cessé d’être un sujet, une conscience
représentative. Ceux qui agissent et qui luttent ont cessé d’être représentés,
fût-ce par un parti, un syndicat qui s’arrogeraient à leur tour le droit d’être
leur conscience. Qui parle et qui agit ? C’est toujours une multiplicité,
même dans la personne qui parle ou qui agit. Nous sommes tous des groupuscules.
[C’est une formule utilisée par Félix Guattari dans Psychanalyse
et transversalité. Elle fait appel, comme l’explique Deleuze dans la préface du
livre, à une nouvelle subjectivité qui ne se laisse pas confinée dans l’Un, un
tout totalisant, mais embrasse plusieurs groupes, à la fois divisibles,
multipliables, communicants et révocables] Il n’y a plus de
représentations, il n’y a que de l’action, de l’action de théorie, de l’action
de pratique dans des rapports de relais ou de réseaux.
Foucault : Les
intellectuels font partie de ce système de pouvoir, l’idée qu’ils sont
les agents de la « conscience » et du discours fait-elle-même partie
du système. Le rôle de l’intellectuel n’est plus de se placer « un peu en
avant ou un peu à côté » pour dire la vérité muette de tous : c’est
plutôt la lutte contre les formes de pouvoir là où il en est à la fois l’objet
et l’instrument.
Deleuze :
Ce que nous avons à faire, c’est arriver à instaurer des liaisons latérales,
tout un système de réseaux, de bases populaires. Et c’est ça qui est difficile.
En tout cas, la réalité pour nous ne passe pas du tout par la politique au sens
traditionnel de compétition et de distribution du pouvoir, d’instances dites
représentatives à la PC ou à la CGT. La réalité, c’est ce qui se passe
effectivement aujourd’hui dans une usine, dans une école, dans une caserne,
dans une prison, dans un commissariat…
Le
Mouvement révolutionnaire actuel est à multiples foyers, et ce n’est pas faiblesse
et insuffisance, puisqu’une certaine totalisation appartient plutôt au pouvoir
et à la réaction… Mais comment concevoir les réseaux, les liaisons
transversales entre ces points actifs discontinus, d’un pays à un autre ou à
l’intérieur d’un même pays? 6
Et c’est la question qui se pose à chaque rupture et à
laquelle on n’a toujours pas de réponse immédiate. La spécificité de toute
rupture ne consiste-t-elle pas justement en ce qu’elle réfute et abandonne une
théorie ou une pratique périmée sans pour autant être en mesure de proposer en
même temps une alternative, une voie ou une solution?
3- Socialisme/Capitalisme.
Le modèle « socialiste » issu de la
Révolution russe de 1917 se révèle finalement comme un nouveau type de capitalisme
étatique et despotique : une dictature du parti unique contre le peuple et
les ouvriers, avec cette particularité qu’elle s’opère en leur nom. Par
conséquent, en l’absence de tout modèle existant, même celui de Cuba va montrer
rapidement ses limites et avatars, La question du socialisme (ou du communisme)
va devenir une problématique entièrement posée, non résolue et sans réponse.
Ce
point, singularisant le « Moment 68 », se présente sous la forme
d’une mise en question des certitudes sur le « socialisme », sa
définition, son sens etc., par les intellectuels engagés de cette époque.
Quelques
évènements importants contribuent grandement à cette prise de conscience, qui
avait certes commencé bien avant pendant la période du stalinisme mais qui va
se poser avec une acuité particulière en 68 et pendant les années 70 :
l’écrasement du « Printemps de Prague » par l’armée soviétique en
1968 (12 ans après l’intervention soviétique contre « l’insurrection de
Budapest ») ; la montée des mouvements de protestation dans les pays
de l’est contre le totalitarisme et pour les droits civiques, comme le droit de
se syndiquer librement et indépendamment du pouvoir et du Parti, mouvements dans
lesquels, et c’est ce qui est nouveau, les ouvriers jouent un rôle de
premier plan (luttes ouvrières donc contre le « socialisme » au
pouvoir !); la Révolution culturelle en Chine qui, du moins dans
une de ses séquences originales et originaires (la Commune de Shanghai),
a pour cible principal le Parti communiste au pouvoir. C’est bien des ces
évènements qu’il faut trouver le début de la clôture d’une époque historique
inaugurée par la Révolution russe, ainsi que la fin d’un certain marxisme
classique.
Entre
autres éléments, il nous semble que La Révolution culturelle à l’époque
du « Moment 68 », a contribué beaucoup à la démystification du
« socialisme réel ». La thèse principale de la Révolution
culturelle, consistait à affirmer qu’il y a la possibilité tout à fait réelle
d’une dégénérescence du système socialiste et de son parti communiste. Cette
thèse est même défendue en France par Althusser en 1967, bien que celui-ci
continue à rester dans le PCF afin, souhaite-t-il, de le changer de
l’intérieur, ce qui va s’avérer illusoire et impossible. C’est dans son
article non signé qu’il écrit :
Althusser :
C’est
en fonction de cette thèse générale [la thèse du P.C.C. sur le risque de «régression
» d'un pays socialiste vers le capitalisme] qu’il est possible de dire que les
pays socialistes se trouvent constamment devant l'alternative des «deux voies».
Cette alternative peut, en certaines circonstances, devenir particulièrement
critique, même aujourd'hui. Devant les pays socialistes... s'ouvrent bien deux
voies: - la voie révolutionnaire... vers la consolidation et le développement
du socialisme, puis vers le passage au communisme; - la voie de la régression...
vers le capitalisme. L'alternative des deux voies c’est cela : ou « s’arrêter à
mi-chemin », c’est-à-dire en fait régresser; ou ne pas « s'arrêter à
mi-chemin », c'est-à-dire aller de l'avant. Dans les textes officiels chinois, la
première voie est qualifiée de « voie capitaliste » et la seconde voie est
qualifiée de «voie révolutionnaire ». Tel est le problème politique dominant,
posé par la conjoncture politique de la Révolution culturelle. 7
Avec la Révolution culturelle, le mythe de la marche
inexorable du socialisme réellement existant vers un avenir radieux
s’effondre. On nous dit maintenant, de l’intérieur même du système, que Le
socialisme et le parti peuvent changer de nature et se transformer en ennemis
du peuple, en un système de domination, d’exploitation et de répression. Certes
Trotski avait déjà parlé de la dégénérescence mais cela restait dans le cadre
d’un pays socialiste bureaucratisé, alors que maintenant il s’agit d’un capitalisme
étatisé, déguisé en « socialisme ».
4- Lutte anticapitaliste/Lutte anti-colonialiste.
Il s’agit de l’émergence des nouvelles luttes
à l’échelle mondiale : luttes anticolonialistes, luttes
anti-impérialistes, luttes de libération nationale, luttes contre l’apartheid
etc. Tous ces mouvements, que l’on désigne
par tiers-mondisme à cette époque, dans leurs « vérités »
effectives, contredisent le marxisme classique, orthodoxe, européen,
eurocentrique et sa conception classiste binaire du monde.
Les mouvements anticolonialistes annoncent plusieurs
ruptures théoriques et pratiques.
- D’abord, Ils mettent en évidence cette réalité que les
protagonistes, les sujets de la lutte des classes ne se trouvent pas seulement
parmi la classe ouvrière, le prolétariat industriel, mais aussi et surtout
parmi les colonisés, les semi-colonisés, les dominés. Il y a ce qu’on appelle une
périphérie des centres capitalistes : Europe, États-Unis et
le Japon, qui englobe tout le reste : le tiers-monde, et qui est soumise
économiquement, dans le marché mondial et par un processus historique à la dépendance,
au développement inégal et à l’accumulation au profit de ces mêmes
centres. C’est la thèse défendue à l’époque par les trois auteurs majeurs du courant
de pensée dit théorie de la dépendance : Samir Amin, Immanuel Wallerstein
et André Gunder Frank. Donc, en résumé, on peut dire qu’à part la contradiction
classiste : capital/travail (au centre) il y a une autre
contradiction aussi importante, sinon plus, qu’est celle qui oppose les pays
périphériques aux centres, le Sud au Nord, le tiers-monde sous-développés aux
pays développés, le dominé au dominateur, le colonisé au colonisateur et au
néo-colonisateur.
-
La deuxième rupture c’est que dans les luttes anticolonialistes, des couches sociales, comme la paysannerie, la
petite-bourgeoise et la bourgeoisie nationale (par opposition à la bourgeoisie
compradore subordonnée au colonialisme) peuvent prendre un rôle aussi important
voire plus que la jeune classe ouvrière.
-
Et enfin, troisièmement, la question du passage au socialisme, s’il y en a, ne
se pose qu’après une période de transition pendant laquelle le capitalisme
autochtone, national, va jouer un rôle important pour développer les forces
productives dans une économie autocentrée, conditions nécessaire pour rendre
possible le socialisme, mais un socialisme aux couleurs nationales et adapté
aux situations concrètes de chaque pays.
Il
faut se rappeler que Marx, à la fin de sa vie dans sa correspondance avec les
marxistes russes Plekhanov et Vera Zassoulitch, Lénine, dans sa conception de
la révolution à l’époque de l’impérialisme au stade suprême, et Mao,
dans sa théorie de Démocratie nouvelle, tout en restant dans la logique
de suprématie du Parti-classe ouvrière, avaient commencé à réviser et à modifier
les deux schémas : classe ouvrière/classe bourgeoise et
capitalisme/socialisme, en introduisant la possibilité d’une part de sauter les
étapes (le Saute mouton historique !) et d’autre part de prendre en
compte le rôle révolutionnaire et même central de la paysannerie.
C’est
dans ce contexte que l’on peut situer l’importance des idées de Frantz Fanon et
de son œuvre fétiche Les damnés de la terre (publié en 1961) :
Rupture avec l’eurocentrisme, l’occidentalo-centrisme en général et priorité
absolue accordée à la contradiction colonisé-colonisateur. C’est ce qu’il nous
dit en ces termes dans la conclusion son livre:
Fanon
Quittons
cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les
coins de ses propres rues, à tous les coins du monde.
Voici
des siècles que l’Europe a stoppé la progression des autres hommes et les a
asservis à ses desseins et à sa gloire ; des siècles qu’au nom d’une
prétendue « aventure spirituelle » elle étouffe la quasi-totalité de
l’humanité.
Alors,
frères, comment ne pas comprendre que nous avons à mieux faire que de suivre
cette Europe-là.
Allons,
camarades, le jeu européen est définitivement terminé, il faut trouver autre
chose.
Quand
je cherche l’homme dans la technique et dans le style européens, je vois une
succession de négations de l’homme, une avalanche de meurtres.
Décidons
de ne pas imiter l’Europe et bandons nos muscles et nos cerveaux dans une
direction nouvelle. Tâchons d’inventer l’homme total que l’Europe a été
incapable de faire triompher.
Le
tiers monde est aujourd’hui en face de l’Europe comme une masse colossale dont
le projet doit être d’essayer de résoudre les problèmes auxquels cette Europe
n’a pas su apporter de solutions.
Pour
l’Europe, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, il faut faire peau
neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme
neuf. 8
Dans
les années 60, à une époque dominée par le colonialisme et des luttes
anticoloniales, comme la lutte de l’indépendance d’Algérie à laquelle participe
Fanon, les idées annoncées dans Les damnés vont exercer une influence
considérable sur beaucoup d’intellectuels non marxistes, surtout religieux, et
particulièrement musulmans, du tiers-monde, en quête d’identité propre et d’une
troisième voie : ni Marx ni Lumières !
Un
de ceux qui se sont inspirés de ces idées, c’est l’intellectuel religieux musulman
iranien, Ali Chari’ati, qui pendant son séjour à Paris de 1959 à 1964, c’est-à-dire
en pleine guerre d’Algérie, va connaître Fanon. Chari’ati, attiré par la
révolution algérienne, prend contact avec un réseau parisien de FLN. C’est
ainsi qu’il va avoir l’occasion de dialoguer et correspondre avec Fanon. Il se
met aussi à le traduire et à le faire connaître au monde intellectuel iranien.
Il traduit en persan la conclusion des Damnés de la terre, accompagnée
de l’entrée de la Préface de Sartre. C’est dans son traité d’«Islamologie» que Chari’ati
cite Fanon d’après une lettre expédiée du bureau d’El-Moudjahid :
Lettre de Fanon à Chari’ati
...
En vue d’une prise de conscience universelle et la mobilisation de masses dans
leurs lutte défensive face à la tentation et l’agression des tentatives
pernicieuses et méfiantes européennes, je souhaite que vos intellectuels
authentiques puissent exploiter les immenses ressources culturelles et sociales
cachées au fond des sociétés et esprits musulmans, dans la perspective de
l’émancipation et la fondation d’une autre humanité et une autre civilisation,
souffler cet esprit dans le corps las de l’Orient musulman. C’est à toi et tes
collègues qu’il incombe d’accomplir cette mission. Certes, je sais que tes
efforts dans cette direction, malgré les apparences, ne seraient incompatibles
avec mon objectif de construire une nation unie et harmonieuse dans ce pays de
tiers-monde- et plutôt le tiers pays du monde-. Car ce qui nous réunit
actuellement m’amène à reconnaître cette démarche comme un grand pas
intelligent envers mon idéal.
Néanmoins,
je pense que ranimer l’esprit sectaire et religieux entraverait d’avantage
cette unification nécessaire - déjà difficile à atteindre - et éloigne cette
nation encore inexistante, et qui dans son optimum, n’est qu’une « nation en
devenir », de son avenir idéal pour l’approcher vers son passé !
Cependant
ton interprétation de la renaissance de l’esprit religieux et tes efforts pour
mobiliser cette grande puissance -qui à l’heure actuelle est en proie aux
conflits internes ou atteinte de paralysie- dans un but d’émancipation d’une
grande partie de l’humanité menacée par l’aliénation et la dépersonnalisation
et dont le retour à l’islam est considéré comme un repli sur soi, sera le
chemin que tu a pris, à l’instar de Senghor… Quant à moi, bien que ma voie se
sépare, voir s’oppose à la tienne- je suis persuadé que nos chemins se
croiseraient finalement vers cette destination où l’homme vie bien. 9
On sait que les idées de Chari’ati ont inspiré beaucoup d’intellectuels
musulmans iraniens qui ont soutenu en 1979 l’Imam Khomeiny, l’installation d’un
gouvernement islamique et la théocratie en Iran. Et on sait ce qui en est
résulté : dictature, l’oppression des femmes, violation des droits humains,
désastres économiques et écologiques, guerres etc. Fanon, Dans sa
correspondance avec son frère iranien - ce farouche théoricien de la
« révolution islamique Shî'ite », d’un islam politique visant le
pouvoir au nom de la religion - n’a-t-il-pas un sourd pressentiment que ses
idées dans Les Damnés de la terre pourraient créer des avatars au nom de
la religion aussi monstrueux et criminels que le colonialisme occidental sinon
pire ? L’homme total et neuf fanonien ne rappelle-t-il pas la
fabrique de l’homme nouveau stalinienne ? Des positions comme Le
tiers-mondisme intégral, le refus de la technique et du style européens
considérés comme une avalanche de meurtres... à quoi il faut ajouter le
rôle moteur accordé par Fanon à la paysannerie, la croyance à une conscience
nationale unanime et une approche religieuse des phénomènes… tout cela, tout ce
paradigme identitairo–nationaliste et religieux, conçu pour mobiliser les
masses colonisées face au colonialisme occidental, ne va-t-il pas créer énormément
plus de problèmes qu’il n’en résout? L’histoire des faits montre que si.
5- L’impouvoir/Prise de pouvoir.
L’autre rupture est le refus de La révolution
ou plus généralement de l’idée de faire la politique comme prise du
pouvoir. « La question fondamentale de toute révolution, c’est le
pouvoir », disait Lénine. Mais il faut ajouter à la fin du premier
terme de cette égalité : « et de toute politique ». Car
la « politique », telle qu’elle est définie et conçue depuis
l’antiquité, par Platon en premier, jusqu’à notre époque moderne, n’est
essentiellement que lutte pour le Pouvoir et l’Étatique. De même que La
Révolution, dans l’acceptation générale du concept, et pas seulement chez les
marxistes classiques, est synonyme de reversement et de prise du pouvoir
politique par une classe ou un groupe social. C’est toute cette
problématique qui va être revue et révisée totalement par le « Moment 68 ».
La
pensée de rupture s’interroge, sans pour autant pouvoir trouver de solutions,
sur la question du pouvoir et de l’impouvoir : intervenir pour
modifier les équations prises pour des évidences : politique = pouvoir,
révolution = prise de pouvoir.
Rappelons
que les trois grandes révolutions de l’histoire - française (1789), russe
(1917) et chinoise (1949) - en tant qu’événements exemplaires dans leurs leçons
politiques, avec une portée référentielle à la fois locale et universelle, ont
placé au centre de la « Politique » : la prise du pouvoir. Et
cela, au moins dans les deux dernières grandes révolutions, par la force des
armes : Le pouvoir est au bout du fusil, Mao.
Le
problème est maintenant clairement posé : « Comment une idée
dérivée de l’impouvoir peut-elle traverser le champ politique ? ».
Cette idée, c’est-à-dire la dissociation de la pensée révolutionnaire et du
pouvoir politique, fait surface avec les évènements de Mai 68 et par la suite
dans les années 70.
En
1977, à l’occasion d’un numéro des Temps Modernes consacré aux
Dissidents de l’Europe de l’Est, avec une interview de Jacek Kuron, membre du Comité
de défense des ouvriers (KOR) de Pologne, Benny Lévy, ancien maoïste
fondateur et dirigent de la Gauche prolétarienne, reprend l’idée de « l’impouvoir » en
politique et pose une question neuve : comment se déprendre
du pouvoir? Il écrit, sous le pseudonyme de Pierre Victor, une présentation
à ce recueil de textes qui commence par ces mots :
Benny
Lévy (Pierre Victor)
Voici
des textes rigoureusement politiques dont le propos central est : ne pas
prendre le pouvoir. Voici une question neuve : comment se déprendre du
pouvoir ?
Le
24 mai 1968 en France, les manifestants, longeant les ministères, n’y firent
pas même attention. Cette vacuité de la question du pouvoir fit illusion :
on parla de vacance du pouvoir. Cette équivoque persiste encore, paralysant la
pensée politique : Mai 68 immature ? Infrapolitique ? Puisque la
question du pouvoir n’a pas été posée ? Ou bien au contraire Mai 68 commençant
de poser une question neuve, celle qu’articulent aujourd’hui les dissidents de
l’Europe de l’Est : comment penser une politique dont la référence
essentielle ne soit pas le pouvoir ?
Dans
les pays totalitaires, l’opposition revêtait jusqu’ici deux formes : la
conspiration, ou la pression. Ces deux tactiques disent une même chose :
il faut occuper le centre, et trahissent une même vision sociale : pour
mener une action civile il faut être au pouvoir. Kuron dit à propos du Comité
de défense des ouvriers (KOR) : « Ce qui est essentiel, c’est qu’une
institution sociale s’est créée en dehors du pouvoir. »
La
vision sociale se modifie : l’antique analogie de la société et de
l’homme, l’idée de la société comme « corps social » sont écartées.
Depuis le 21 janvier 1793, on a surtout cru qu’il fallait couper la tête,
royale, du corps social. Erreur : c’est le corps qui est royal ; il
faut se débarrasser du « corps » social. La tête repousse comme le
chiendent ; ce que les radicaux de 1793 croyaient parfaitement : Roux
[jacques Roux, surnommé « le curé rouge », était socialiste et anarchiste, fondateur du groupe Enragés
pendant la Révolution française. Il est arrêté, incarcéré et mort par suicide dans
la prison de Bicêtre le 10 février 1794.], entre autres,
découvrait la tête du roi dans le Comité se Salut public. C’est le corps social
qui est monarchique. De là le principe démocratique.
Tant
qu’à couper une tête royale, mieux vaut couper celle du roi philosophe. Du
philosophe qui veut être roi pour accomplir la cité idéale [Allusion au
philosophe-roi de Platon dans La République].10
Bien que deux cent ans séparent le mouvement des ouvriers
polonais contre le totalitarisme pour les libertés civiques (en 1977) et le
mouvement des Enragés pour l’égalité et contre la nouvelle classe dominante
bourgeoise (en 1794), le fond de la problématique posée dans les deux cas reste
le même : comment faire la révolution, transformer le monde, lutter pour
l’émancipation sans prendre le pouvoir d’État pour le reconduire ou le
restaurer ? Sans rétablir les rapports du pouvoir et de domination sous
une autre forme ?
6- Statolâtrie / Autogestion
La
rupture se fait aussi avec une certaine idée dominante sur le sens de la
démocratie : représentative et parlementaire ou bien directe,
participative, performative, et d’une certaine façon comme une « démocratie
contre l’État ». De la critique de la politique comme l’Étatique ou l’affaire
de l’Un, de quelques uns, on passe à la critique de la démocratie comme
représentation pour arriver à inventer une « politique »
de l’émancipation.
L’idée
de la révolution contre l’État se présente dans les années 70 sous forme de
critique du royaume de statolâtrie, terme désignant l’idolâtrie de
l’État. Celui-ci est compris, on le verra, comme le Grand Sujet imaginaire
unifiant le peuple, la multiplicité. Le concept du mouvement « acéphale »
va se poser dans l’expérience autogestionnaire des ouvriers de l’usine LIP en
1977, qui prennent en main le contrôle de leur usine abandonnée par le patron. Lisons
encore Pierre Victor, lorsqu’il explique l’idée d’une action sociale directe
opposée à la pensée de la statolâtrie, sous le titre de LIP acéphale :
Benny Lévy (Pierre Victor)
Lip a perdu la tête. Nous entendons ici qu’à Lip une pensée
décapitée s’esquisse : une logique communautaire s’affirme contre la
pensée qui remonte à la tête comme au centre, à l’État comme au grand sujet de
l’action sociale. Pensée que nous nommons : statolâtrie. Soit une usine
liquidée par le patron ; que dit tout de suite la statolâtrie ?
Nationalisation. Nationaliser, c’est signer un décret. Qui signe ? L’État
en personne, c’est-à-dire la personne à la tête de l’État. Voici ce que fait en
permanence le statolâtre : réduire l’action d’une multiplicité d’hommes à
celle d’une seule personne. À la suite de Hobbes, il croit
que : « Une multitude d’hommes devient une seule personne quand
ces hommes sont représentés par un seul homme ou une seule personne… »
(Léviathan).
Et si pourtant on essayait de concevoir l’unité sous une
autre forme ?
Cela suppose de s’attaquer à de fortes croyances, sans doute
à la forme ordinaire de la foi : « Toute religion constituée est
fondée en premier lieu sur la foi d’une multitude de gens en une personne
unique » (Léviathan)
Le
premier principe de la communauté consiste à frapper de nullité le raisonnement
de base du Léviathan : la logique de communauté suspend l’État pour
concevoir l’action comme action de la multiplicité. 11
L’autogestion contre la privatisation
et la nationalisation, prônée par la nouvelle pensée en rupture avec l’étatisme
et le privatisme à la foi, bien qu’elle ne résolve pas la question de la fin du
capitalisme, fait partie néanmoins de l’un des fondements théoriques de
certains mouvements post-soixante-huitards. C’est ainsi que, dans ce qu’on
appelle les rapports sociaux capitalistes, la question essentielle du « contrôle »
de la production, des moyens de production et plus généralement de toute
activité sociale et économique et de même la question de la prise des
décisions par les travailleurs eux-mêmes, vont être considérées comme plus
importantes, plus cruciales, que toute autre question comme celle de la propriété
juridique.
7- Le Grand Soir / Ici et
maintenant
Le
« Moment 68 » est aussi le lieu où toute une pensée sur la Révolution
va être mise en question, du point de vue temporel et historique :
révolution en tant que le Grand Soir à-venir, séparant une préhistoire de
l’Histoire humaine proprement dite.
Cette
thématique est explorée par deux soixante-huitards: l’un, philosophe engagé,
Jean-Paul Sartre, et l’autre, maoïste et philosophe, Benny Lévy, dans un
entretien à deux dans les années 70. Ce qui va donner lieu à un livre intitulé Pouvoir
et liberté. De leurs interlocutions sur le sujet qui nous concerne ici,
nous avons déduits les lignes qui
suivent.
Révolution
marque-t-elle un avant et un après Histoire ? S’inscrit-elle dans un sens
de l’histoire, disons-le à l’image de l’Esprit hégélien ou l’Idée régulatrice
kantienne? Est-ce un mythe, un moment extatique ou le Grand soir de
l’humanité en césure radicale avec son passé, sa non-histoire? La pensée classique
sur la révolution comme l’instant radical qui ferme la préhistoire et ouvre une
nouvelle ère est maintenant caduque. D’où la nécessité de concevoir une
temporalité rigoureusement athée de la révolution ou d’établir une
théorie de la temporalité révolutionnaire. La nécessité d’une pensée de l’évanescence,
fugitive, dans le rejet de la totalisation, de la motricité et de la
prescriptivité de l’histoire.
Par
conséquent, La révolution n’a ni queue, ni tête. Comment penser la chose ?
C’est toute la question de la clôture ou non de la révolution qui se
pose : sa finitude, sa glaciation, son retournement contre son origine,
son institutionnalisation, son entreprise de l’unification de l’hétérogène qui
va figer la révolution et aboutir au totalitarisme… Désormais il faut penser la
révolution comme processus permanent.
Enfin, comment penser la révolution (et nous ajoutons aussi
plus généralement la politique) non comme un « à-venir », un but, une
promesse, un programme… pour un futur, inscrit dans une historicité
prédéterminée, qui n’arrive jamais, mais, à l’inverse, comme un processus continu
et performatif sous le signe d’Ici et maintenant ? 12
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Au
terme de cette contribution, nous voulons conclure notre propos en soulignant
que près d’un demi-siècle après Mai 68, les problématiques théoriques et
pratiques posées et pensées par ce mouvement et dans les années qui le suivent
(le Moment 68), malgré leurs ambigüités et limites, sont restées toujours
actuelles.
Ces
problématiques apparaissent dans une
période marquée par les mouvements étudiants et féministes, les luttes de
libération nationale et anticoloniales dans le tiers-monde, le déclin
inexorable du socialisme réel, le printemps de Prague écrasé par l’armée
soviétique, la révolution culturelle chinoise, les luttes en Amérique latine contre
les dictatures, le mouvement ouvrier polonais contre le totalitarisme pour les
droits civiques…. Il s’agit d’une rupture avec une certaine philosophie
politique dominante, avec une certaine pensée politique dominante et aussi avec
un certain marxisme vulgaire dominant.
L’important
est que les problématiques de rupture avec une certaine pensée révolutionnaire
périmée sont, à notre avis, correctement énoncées, bien qu’elles ne puissent
pas encore trouver de réponses appropriées dans la situation historique.
En
un mot, il nous semble qu’il s’agit de l’invention nouvelle de la
« révolution » comme mouvement de transformation radicale des
sociétés humaines, et de ses catégories à revisiter, à la lumière des expériences
passées. Le Moment 68 s’est penché à juste titre sur la révision de certains
rapports qui, longtemps constituaient les impensés de la politique et de
la révolution.
Il
reste néanmoins que la problématique de loin la plus importante est la question
des conditions de possibilité de la sortie du système qui domine aujourd’hui
notre monde. Un monde dominé par le capitalisme mondialisé, le nationalisme, l’identitarisme,
le religieux… entre guerres et misères.
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Bibliographie
et livres consultés
1.
Ouvriers et Capital, Mario TRONTI. Entremonde, 2016.
2.
Caliban et la Sorcière, Silvia FEDERECI. Entremonde, 2004.
3.
Point zéro, Silvia FEDERECI.
4.
Peau noire, masques blancs. Frantz
FANON. Seuil 1952.
5.
Les damnés de la terre, Frantz FANON. / Poche.
6.
L’île déserte et autres textes. Les intellectuels et le
pouvoir : FOUCAULT-DELEUZE.
Minuit, 1972.
7.
L’aventure de la philosophie française depuis les années
1960. Alain BADIOU. La Fabrique, 2012.
8.
Peut-on penser la politique? Alain BADIOU, Seuil1985.
9.
Aux bords du politique. Dix thèses sur la politique. Jacques RANCIÈRE. Gallimard.
1998.
10.
Moments politiques.
Interventions 1977-2009. Jacques RANCIERES. La Fabrique 2009.
11.
Pouvoir et liberté. Benny LÉVY. Verdier, 2007.
12.
Psychanalyse et transversalité. Félix GUATTARI. La découverte Paris 2003.
NOTES
1 Sur la révolution culturelle, article
non signé d’Althusser. Les Cahier marxistes–léninistes-1967.
2. Ouvriers et Capital. Page 80.
3. Idem. Pages 150-151.
4. Point zéro. Pages 13-24.
5. Idem.
6. L’île déserte. Pages 288-298.
7. Sur la révolution.
8. Les damnés. Pages 301-305.
9. http://1libertaire.free.fr/FFanon29.html (correspondance
Fanon – Chari’ati).
10. Les
temps modernes, N° 372, juillet 1977 : Dissidents.
11.
Les temps modernes, N° 367, Février 1977 : LIP
ACÉPHALE.
12.
Pouvoir et liberté. Pages 31-36.